Petite, je ne comprenais pas à quoi ça rimait d’aller chez le médecin, à l’hôpital, ou à Nottwil, de faire à chaque fois une radio du dos, de contrôler la vessie, de contrôler ci et ca, de me faire une prise de sang pour si, une prise de sang pour ça ! C’était aussi cet horrible moment où l’on me posait des milliers de questions sur ma vie, des questions intimes aussi…
J’avais toujours espéré que, comme mon papa, je pourrais me passer de consultations médicales. Que j’irais quand cela aurait du sens : c’est-à-dire une fois malade !
Je n’ai jamais aimé aller faire une consultation médicale, parce que j’étais angoissée à l’idée qu’on m’annonce une mauvaise nouvelle, mais cela me rappelait aussi que j’étais différente et que je n’avais pas le choix d’une vie normale, d’une vie qui ne serait pas passée à la loupe.
J’étais tant angoissée avant un contrôle, que je n’en dormais pas, et plus les années passaient, plus je devenais en colère parce que je comprenais comment le corps médical fonctionnait et je me sentais prisonnière de ce système, prisonnière d’un corps qu’on pensait fragile et défectueux, alors qu’il ne l’était pas, il était juste un peu différent !
Adulte, on m’a expliqué l’intérêt d’un contrôle annuel avec pour fond surtout un suivi nécessaire dans mon cas pour les assurances… L’intérêt de faire en sorte que le jour où il m’arrivait vraiment quelque chose ou que ma santé se dégradait, les assurances puissent tout prendre en charge. Curieux système de dépenses en frais de santé pour des économies sur le long terme.
Le prix à payer, psychologiquement parlant pour ma part, est très lourd à porter ! J’ai parfois cette impression que cet aspect-la n’a pas sa place et ne peut pas être pris en considération.
Ma liberté et mon individualité est vendue au profit de protocoles, car les contrôles minimums ont été décidés annuels pour tout-un-chacun se déplaçant à roulettes.
Moi qui connais si bien mon corps avec lequel je vis depuis toujours, moi qui suis si attentive à la moindre alerte, au moindre changement, il est impensable pour moi de passer à côté d’un éventuel bug (d’une infection urinaire, d’un escarre, ou je ne sais..). Pour ma part, même si les sensations physiques ne sont pas communes, mon corps est à même de m’alerter (différemment) de la douleur ou d’une défaillance en tout genre. J’ai cette impression aussi que cela n’est pas encore suffisamment entendu ou validé par les instances médicales car cela ne repose pas toujours sur des faits vérifiables.
Je parle de cette douleur psychologique parce qu’elle est pénible pour moi, d’autant plus que je ne parle pas l’allemand et que de se retrouver (par exemple) en consultation urologique, avec les jambes écartées sur une table en hauteur et pleine de câbles partout, avec différentes personnes, hommes ou femmes qui viennent vous regarder, toucher, et parler dans un langage compliqué, c’est très gênant, et aussi humiliant à quelque part. On ne peut pas m’expliquer correctement ou me rassurer et puis, le temps est toujours compté. Le prochain patient est déjà à la salle d'attente!
Et il y a ces rayons X qu’on vous inonde à tout va, comme si cela était quelque chose de nécessaire, banal et de totalement sans incidence !
Je ne sais pas exactement comment décrypter ces moments, mais ils sont, pour ma part, très émotionnels. Je me sens souvent, comme un numéro que l’on prend à la chaîne, et aussi comme un cas d’étude particulièrement enrichissant pour le corps médical.
Je ne sais pas comment vous vivez cela de votre côté et comment vous trouvez la force de vous détacher de tout cela ?
- nevea Contributeur experimenté
- Vivre avec une lésion de la moelle épinière
- lundi 6 novembre 2017
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