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  1. nevea Contributeur experimenté
  2. Vivre avec une lésion de la moelle épinière
  3. lundi 6 novembre 2017
Petite, je ne comprenais pas à quoi ça rimait d’aller chez le médecin, à l’hôpital, ou à Nottwil, de faire à chaque fois une radio du dos, de contrôler la vessie, de contrôler ci et ca, de me faire une prise de sang pour si, une prise de sang pour ça ! C’était aussi cet horrible moment où l’on me posait des milliers de questions sur ma vie, des questions intimes aussi…

J’avais toujours espéré que, comme mon papa, je pourrais me passer de consultations médicales. Que j’irais quand cela aurait du sens : c’est-à-dire une fois malade !

Je n’ai jamais aimé aller faire une consultation médicale, parce que j’étais angoissée à l’idée qu’on m’annonce une mauvaise nouvelle, mais cela me rappelait aussi que j’étais différente et que je n’avais pas le choix d’une vie normale, d’une vie qui ne serait pas passée à la loupe.

J’étais tant angoissée avant un contrôle, que je n’en dormais pas, et plus les années passaient, plus je devenais en colère parce que je comprenais comment le corps médical fonctionnait et je me sentais prisonnière de ce système, prisonnière d’un corps qu’on pensait fragile et défectueux, alors qu’il ne l’était pas, il était juste un peu différent !

Adulte, on m’a expliqué l’intérêt d’un contrôle annuel avec pour fond surtout un suivi nécessaire dans mon cas pour les assurances… L’intérêt de faire en sorte que le jour où il m’arrivait vraiment quelque chose ou que ma santé se dégradait, les assurances puissent tout prendre en charge. Curieux système de dépenses en frais de santé pour des économies sur le long terme.

Le prix à payer, psychologiquement parlant pour ma part, est très lourd à porter ! J’ai parfois cette impression que cet aspect-la n’a pas sa place et ne peut pas être pris en considération.

Ma liberté et mon individualité est vendue au profit de protocoles, car les contrôles minimums ont été décidés annuels pour tout-un-chacun se déplaçant à roulettes.

Moi qui connais si bien mon corps avec lequel je vis depuis toujours, moi qui suis si attentive à la moindre alerte, au moindre changement, il est impensable pour moi de passer à côté d’un éventuel bug (d’une infection urinaire, d’un escarre, ou je ne sais..). Pour ma part, même si les sensations physiques ne sont pas communes, mon corps est à même de m’alerter (différemment) de la douleur ou d’une défaillance en tout genre. J’ai cette impression aussi que cela n’est pas encore suffisamment entendu ou validé par les instances médicales car cela ne repose pas toujours sur des faits vérifiables.

Je parle de cette douleur psychologique parce qu’elle est pénible pour moi, d’autant plus que je ne parle pas l’allemand et que de se retrouver (par exemple) en consultation urologique, avec les jambes écartées sur une table en hauteur et pleine de câbles partout, avec différentes personnes, hommes ou femmes qui viennent vous regarder, toucher, et parler dans un langage compliqué, c’est très gênant, et aussi humiliant à quelque part. On ne peut pas m’expliquer correctement ou me rassurer et puis, le temps est toujours compté. Le prochain patient est déjà à la salle d'attente!
Et il y a ces rayons X qu’on vous inonde à tout va, comme si cela était quelque chose de nécessaire, banal et de totalement sans incidence !


Je ne sais pas exactement comment décrypter ces moments, mais ils sont, pour ma part, très émotionnels. Je me sens souvent, comme un numéro que l’on prend à la chaîne, et aussi comme un cas d’étude particulièrement enrichissant pour le corps médical.

Je ne sais pas comment vous vivez cela de votre côté et comment vous trouvez la force de vous détacher de tout cela ?
odyssita Star
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Salut nevea,
je ne parle pas beaucoup de français, mais je veux l'éssayer...
A moi, m'intéressent les aspects psychologiques, parce que je croix que les émotions négatives perdent leur force en le moment quand elles peuvent être entendues.
Je croix qu'il y a des besoins très élémentaires, et quand cets besoins ne sont pas protégés, stress psychologique aboute. Peut être c'est le besoin élémentaire d'être regardés comme compétent dans des domaines que nous définent comme personnes - notre perception, notre psyché, notre corps. Etre regardé comme incompetent aboute en perdre influence - et perdre influence de ça que nous défine comme personne est une sensation désemparée, impuissante, une sensation de danger.
En anglais, il y a le mot "self-efficacy" - je ne sais pas trouver une traduccion. Mais je croix que c'est très important pour une psyché saine, et je pense que dans cets moments le "self-efficacy" et attaquée.
Je pense aussi que c'est troublant quand la perception de notre corps et ça que disent les médecins ne converge, par ce que ça signifique que nous ne peuvent pas faire confiance a ou notre corps ou notre médicins - mais nous sommes dépendants de les deux.
J'éspère que c'est compréhensible...
Salut,
odyssita
Mia Contributeur experimenté
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Chère Nevea,
Ah, comme je vous comprends.
Cet emprisonnement dans ces innombrables rouages que sont le contrôle médical annuel, les demandes des autorités, les assurances entêtées… Lorsqu’on est atteint d’un handicap chronique, on est exposé à de nombreuses influences extérieures. Comme vous le décrivez de façon très pertinente, on s’imagine de nombreux scénarios avant un examen. La peur d’un possible diagnostic défavorable est difficilement maîtrisable. L’examen en lui-même ainsi que les nombreuses questions intimes posées notamment par les hommes nous entraînent vers un enfer de honte. Comment gérer cette situation ? Voilà une véritable bonne question, à laquelle je n’ai jusqu’à présent pas su répondre.

Vous semblez être une femme très responsable et attentive à sa santé, qui connaît très bien son corps et ses besoins. Les examens réguliers vous semblent donc mal venus. Grâce à votre grande maîtrise de vous-même et à votre sens des responsabilités, vous pourriez probablement allonger à 2 ans l’intervalle entre certains examens, ou les prévoir en fonction de vos besoins. Qu’en pensez-vous ? Ce serait possible ? Vous pourriez ainsi reporter les moments qui vous sont désagréables, ce qui réduirait un peu le fardeau. J’ai appris de façon fortuite que des examens urologiques pour les personnes en fauteuil roulant sont également proposés en Suisse romande, à Lausanne. Est-ce que cela pourrait être une option pour vous ? Je pense qu’un appel ou un e-mail au service ambulatoire du Centre suisse des paraplégiques permettrait d’éclaircir la chose.
Voilà, ce ne sont que quelques propositions pour réduire les « déclencheurs ». Comme je l’ai déjà écrit, j’aimerais également savoir comment mieux gérer cette charge émotionnelle.
Chaque personne gérant royalement cette situation mérite une couronne.
nevea Contributeur experimenté
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Bonjour,
Merci pour votre réponse et vos gentils mots à mon égard.
En effet, plusieurs fois on m'a proposé des rendez-vous à deux ans, sauf que dans les faits, je recevais toujours des courriers de convocation tous les ans, me forçant à téléphoner et à devoir me justifier auprès de secrétaires (que je ne blâme pas), mais qui n'en savaient rien et devaient demander l'avis d'un médecin, qui souvent était un médecin qui ne me connaissait pas... bref, la maison des fous dans Astérix => et des démarches de plus qui nous rappellent que vivre avec une chaise roulante sans téléphone (ou e-mail) c'est absolument impossible!
J'ai renoncé à me battre avec ça. Parfois il faut aussi savoir renoncer et garder son énergie pour des combats qui ont plus de sens. (Dieu sait que les mots "injustice" et "combat" font partie intégrante de ma vie de tous les jours...)

Pour mon expérience de 2 ans de rendez-vous à Plein Soleil à Lausanne, j'ai trouvé très bien que l'antenne s'ouvre (j'y ai d'ailleurs foncé!), sauf que pour moi ca ne m'a pas convenu car, quand je viens à Nottwil, j'en profite pour amener ma chaise roulante en check-up pendant mes consultations, et puis si le temps le permet, je cours aussi m'entraîner aux anneaux d'athlétisme (mon nouveau plaisir sportif depuis 2016).
Je suis compliquée et exigeante n'est-ce pas? ;-)
Cette charge émotionnelle, pour reprendre vos mots, n'a pas véritablement d'échappatoire selon moi. Mais comme on le sait bien, le fait d'en parler, et de se sentir moins seul et soutenu à quelque chose de salvateur! Merci donc pour votre gentille réponse qui me permet de "valider" mes émotions :-)

Bises

Nevea
Mia Contributeur experimenté
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De rien et bonne année 2018!
Foncez et tout de bon!
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