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  1. nevea Contributeur experimenté
  2. Vivre avec une lésion de la moelle épinière
  3. mercredi 28 novembre 2018
Bonjour à tous,
Voilà un sujet qui me titille depuis un moment, ne voyant pas très souvent le sujet des assurances évoquées ici dans le forum.
J'aimerais raconter ma colère et mon ras le bol d'être constamment dans les démarches administratives! J'aimerais dire à quel point il est pesant de devoir constamment "rendre des comptes" aux assurances.
Je ne sais pas bien aujourd'hui comment l'écrire, comment en parler, tellement le dossier est gros.
Mon handicap ne date pas d'hier, il date de 1983. Lorsque j'étais petite, mes parents ont déjà fait beaucoup de démarches pour me faciliter la vie. Il s'agissait de me permettre de suivre une scolarité normale (installer des rampes, adapter les toilettes, convaincre les professeurs de me faire participer pleinement à la vie de la classe (sorties scolaires, gymnastique, camps de ski, etc)). Il s'agissait aussi de trouver des aides pour payer les énormes factures qui s'accumulaient pour les soins, il fallait aussi trouver un moyen d'aider ce petit corps à grandir dans les meilleurs conditions (physio, port de corsets de maintien, etc). Evidemment, à cette époque encore, il n'y avait pas de structure spécialisée dans la paraplégie, et encore moins de médecins spécialistes dans la pédiatrie/paraplégie. L'assurance-maladie ne couvrait pas au départ les frais engendrés par mes traitements, puisque consécutifs à un accident... je n'étais pas un cas de maladie congénitale, et la couverture accident ne souhaitait pas non plus prendre en charge (et à long terme) un cas comme le mien!
Tout ça a nécessité des combats de très longue durée pour mes parents avec souvent le recours à des aides juridiques pour combattre ces assurances et à une aide sociale pour le financement et pour trouver des solutions rapides pour manger!
Je me souviens aussi que petite, l'AI ne voulait pas intervenir pour une rente car j'étais un enfant, il voulait bien payer une chaise roulante tous les 6 ans, mais surtout une chaise qui n'avait pas un surcout par rapport aux standards de la chaise roulante de l'époque - les surcouts étaient par exemple la dimension de la chaise qui devait être sur mesure, ou encore des freins faciles à employer pour mes petits mains, ou encore des garde-boues amovibles). Je me souviens de ma maman, seule au tribunal contre les assurances à proposer, comme moyen de défense que toutes les personnes de la salle portent des chaussures en taille 34 et "s'accomodent pendant 6 ans" à cet inconfort!
Nombreux ont été les recours et nombreux ils le sont encore aujourd'hui!
Voici mes premiers souvenirs - même si mes parents m'épargnaient ces combats en m'en parlant le moins possible- des premiers combats, presque de gladiateurs, auxquels pouvait être confrontée une personne en situation de handicap.
A l'age de 18 ans, je me suis plongée, comme j'ai pu, dans les notions de droit (nul n'est sensé ignorer la loi!) et ai souhaité reprendre le flambeau -qui m'appartenait- à savoir m'occuper moi-même de ces affaires.
J'ai rapidement constaté à quel point cela pouvait être lourd psychologiquement, et surtout à quel point cela prenait du temps et de l'énergie.
Mes premières démarches auprès de l'AI étaient de remplir les traditionnels questionnaires (que je trouvais si débiles (pardonnez-moi du terme)) pour l'allocation d'impotent. J'ai constaté qu'il était nécessaire, année après année de certifier, à nouveau, pour tout et pour rien que j'étais toujorus bien paraplégique et que, miraculeusement, un jour de printemps, je ne m'étais pas remise à marcher!
J'ai compris que certains formulaires étaient destinés à tout un panel extrêmement différent de handicaps et que souvent, les envois sont protocolaires et bien sûr, la lenteur administrative du côté des assurances est un point surlequel il est impossible d'agir! En revanche, il n'est pas rare, que je me fasse, ou mes médecins, clairement menacer si je ne réponds pas dans un délai très court!
Les nombreux réglements et informations juridiques nous rappellent aussi que nous ne sommes pas grand chose par rapport à ces géants...
Tous les mois, durant ma scolarité, j'ai rempli des formulaires de remboursement de déplacements, signatures et attestations jointes obligatoires. Quel temps passé à espérer "recevoir" quelque chose, un minimum d'aide, pour mener une vie un tant soit peu normale et autonome?
J'avais cette envie irrepressible de réussite scolaire et professionnelle pour être équilibrée et faire tout ce qu'il me plait!
Quand j'ai réussi ma formation et que, par moi-même, j'ai convaincu un employeur de m'engager, un nouveau combat allait débarquer, j'en avais pas encore conscience...
J'allais peut-être, maintenant, avoir la chance d'avoir une rente AI! Quelle déception d'apprendre que toute ma vie, je devrais combler mon 40%, par une rente qui m'offrait 600CHF/mois. Pourquoi, une incapacité de travail de 50% m'offrirait pas les 50% non-percus dans ma profession et dans mon emploi actuel? Quelle pouvait bien être la logique dans tout ca?
Quelle injustice de savoir, qu'à vie, j'aurais ce montant là, inflexible, parce que je n'avais pas eu la chance d'avoir un emploi avant l'atteinte à ma santé, et donc d'avoir des années de cotisations sur lesquelles ma rente pouvait être basée. Je n'avais pas choisi le bon moment pour mon handicap. Etait-ce de ma faute?
Que dire, que faire? Quelle reconnaissance pour mon handicap et pour tout le travail investi? Qui aurait pu, sans expérience professionnelle, et avec un handicap, trouver si facilement un emploi? Je le devais à moi, rien qu'à moi et j'en étais fière. La société, elle ne pouvait pas me récompenser, je l'avais compris.
De fil en aiguille, se sont dessinées des possibilités d'aide en complément: les prestations complémentaires, la contribution d'assistance... et oui, j'étais en dessous du minimum vital, et c'était compliqué comme on se l'imagine!
Mais à quel prix ces nouvelles aides? Un surplus scandaleux administratif! Des comptes à rendre encore plus nombreux, des appels, des e-mails, des recherches internet, des inconnus qui viennent à mon domicile, scrutent mes faits et gestes, interrogent mes enfants...
Des larmes, des crises d'angoisse, de panique. Ai-je bien répondu juste? Qu'est-ce que je dois répondre quand on me demande si j'arrive à cuisiner toute seule? Si je veux faire une raclette et que je demande à mon mari de l'aide pour porter le matériel, cela signifie-t-il que je suis "un peu, pas du tout, complètement, moyennement" capable de cuisiner seule?
Comment répondre à des questions bêtes sur l'accessibilité? Je suis autonome quand il n'y a pas de marches, et pas trop de pente, mais je ne suis pas autonome quand il y a de la neige, des pavés, du devers, que j'ai mal au dos...
Pourtant, il faut bien se baser sur quelque chose pour des prestations, mais... tout le monde sait aussi que les assurances sociales font tous les efforts du monde pour "économiser" et donc, toujours privilégier les interprétations qui les arrange!

Comprendre et faire valoir mes droits d'un côté, et de l'autre, renoncer à une vie simple, sereine, sans soucis, sans constamment avoir cette impression de répondre faux, ou de "voler" quelqu'un!
Quand, ce week-end, j'ai lu ces informations sur le site d'Inclusion Handicap sur les infrastructures prévues dans les trains qui ne seront pas effectuées avant 2060, que j'ai vu que la population était prête à priver, potentiellement, les plus faibles (qu'on soupconne le plus d'être des terribles criminels fraudeurs) de leur dignité et de la protection de leurs droits fondamentaux, et qu'une vie privée et familiale appartient désormais aux riches assureurs, je suis triste, je suis déçue, et je suis fachée!
Quand je sais à quel point, une vie comme la mienne est déjà scrutée au millimètre (impôts, comptes en banque, faits et gestes), et surchargée de démarches administratives sans queue ni tête, je suis dans une impasse: Qu'est-ce que, en tant que maman, je peux dire à mes enfants de ce monde? Comment leur expliquer l'importance de se battre pour ses idées et pour ce qu'on semble juste alors même que la société est menée par des riches, pour des riches, et que tout ce qui est mis en place par les organisations faîtières des handicapés, la cour européenne des droits de l'homme ne fonctionne pas ou à pas de souris? Dois-je leur dire que les lois de protection et de non-discrimination sont constamment transgressées?
La seule issue, que je vois, pour moi, est de devenir riche à mon tour et me retirer de tout ce système pour retrouver ma liberté. Je rêve d'utiliser tout ce temps perdu à faire des choses qui ont vraiment du sens: Raconter une histoire, pourquoi pas, en caressant les cheveux de mes enfants le soir, leur faire des bisous et leur apprendre à dessiner un mouton...
claudia.zanini
Community-Manager
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Bonjour Nevea

Je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les assurances sociales, mais l’hiver passé j’ai rompu ma jambe en skiant et j’ai eu à faire à elles. J’ai découvert la difficulté à entrer en contact avec la bonne personne, j’ai découvert l’opacité des procédures, j’ai découvert que pour avoir droit aux prestations il faut remplir des critères bien précis – p.ex. assistance à domicile après une opération, mais pas en cas de traitement conservateur – et beaucoup prouver – même des choses qui, je pensais, allaient de soi, comme de dire que je ne pouvais pas faire le ménage ou les courses en ayant un os cassé et une attelle, en attendant de comprendre si une opération était nécessaire ou pas. J’ai découvert la sensation de se sentir mal à l’aise pour le simple fait de demander une prestation. On parle du droit à la prestation, mais lorsqu’on demande une prestation, on nous demande de démontrer qu’on n’est pas des paresseux. C’est comme si dans un tribunal on partait du principe que l’accusé était coupable…

Chère Nevea, je n’ai eu qu’une expérience limitée avec les assurances, mais cela m’aide aujourd’hui à comprendre ta frustration, ton épuisement, ta colère et ton ras le bol d'être constamment dans les démarches administratives. C’est une situation qu’il faut vivre en première personne une fois dans la vie pour la comprendre, au moins un peu. Je ne souhaite à personne de se casser une jambe, mais j’admets que grâce à cette expérience j’ai ouvert les yeux sur les difficultés auxquelles des personnes comme vous font face chaque jour, depuis des années.

Bon courage pour vos batailles ! N’abandonnez pas. Je vous souhaite de trouver chaque jour le temps pour des activités qui ont du sens et qui font du bien au cœur et à l’âme…comme apprendre à un enfant à dessiner un mouton ;-)

Cordialement, Claudia
nevea Contributeur experimenté
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Merci Claudia pour ta réponse et ton exemple tout-à-fait parlant :-)
Le temps reste toujours, heureusement, une notion très relative! Et bien sûr on a toujours le temps pour être heureux, cela ne tient qu'à nous :-)
Créer ce monde parfait, que je convoite, passe aussi par le combat et par la résilience, créer ce monde c'est aussi et simplement en apprendre un peu plus sur moi ; c'est toujours très efficace quand je suis en confrontation avec la dureté et la réalité de la vie!

claudia.zanini
Community-Manager
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On dit que les situations difficiles nous apprennent beaucoup sur nous-mêmes, si on leur donne la chance. On dit qu’elles sont une opportunité pour nous transformer, si on prend le temps de tirer la leçon.

Vous avez donc la bonne attitude pour faire face aux adversités de la vie et c’est peut-être également grâce à elle que vous avez accomplis tant de choses dans votre vie. Mais c’est fatiguant de toujours se remettre en question et d’apprendre ! Parfois on souhaiterait tout simplement avoir un peu de tranquillité, n’est-ce pas ? Cela nous rend humain et nous rappelle que même Wonder Woman a besoin de prendre un café de temps en temps ;-)
Pièces jointes
Tulipe Expert respecté
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Bonjour nevea
Je suis très ému par tes mots et je comprends bien tes frustrations. Moi qui m’en occupe de tout ça pour mon mari, je l’ai vécu je ne sais pas combien de fois. Et en ce moment nous attendons depuis 4 mois sur une prise en charge pour un coussin.
Tu a bien raison il faudrait être riche comme dans le film «Intouchable ». Je crois dans les films et romans les handicapés sont toujours riche. Mais je crois nous avons tous nos petits iles pour ne pas trop plonger.
Je ne peux pas plus te dire, car écrire en français et très difficile pour moi même si je comprend tout.
Peut-être quelqu'n va traduire ton texte pour le site allemand.
Bon courage et bon weekend, Silvia

nevea Contributeur experimenté
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Tu peux toujours écrire en allemand, je peux traduire, ou en anglais, c'est encore mieux pour moi :-)
L'attente pour les prises en charge est toujours longue et si, parfois, on "ose" prendre la disposition de rapidement changer de chaise roulante comme je l'ai fait alors qu'on était hors délai, on peut être supris d'être appelé et engueulé par un conseiller qui nous dit "j'ai rien compris à vos documents, tout est en allemand (c'est les médecins du CSP)", tout en rajoutant "Vous ne devez pas procéder comme ça madame, vous devez attendre notre réponse avant de commander! Et ce à quoi, la voix tremblante j'ai répondu, "mais j'ai des problèmes de santé, et 4 médecins ont attesté la même nécessité urgente...".
On se demande parfois où est l'humain dans tout ça, et où est le bon sens surtout, non?
Je me dis souvent qu'on nous prend pour des voleurs et tout ce qu'on veut c'est un moyen auxiliaire flambant neuf! Non, réparer et "mettre du scotch" pour faire tenir les choses "à peu près" n'a pas de sens! Tout le monde veut être bien et cela dans la vie de tous les jours, c'est tellement logique. L'utilisation et la durée de vie de n'importe quel appareil est tout relatif selon son utilisateur! On le sait tous.
Bon courage à toi aussi pour les démarches à venir et pour ta patience !
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