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Jeux paralympiques et médias

Une relation toujours compliquée ?

Dans quelques semaines, le 8 mars 2018, les XIIe Jeux Paralympiques d'hiver débuteront à Pyeongchang, en Corée du Sud. Pour cette raison, nous vous proposons ici un aperçu de la façon dont la couverture médiatique des Jeux Paralympiques a évolué au fil du temps - et où elle est (n’est pas encore) arrivée.

Les médias jouent un rôle clé dans la couverture d’événements sportifs, tels que les Jeux olympiques ou paralympiques. Sans eux, comment ferions-nous pour prendre connaissance des derniers résultats, des nouveaux records mondiaux, ainsi que des informations sur différents athlètes ? Qu’il s’agisse de la télévision, des journaux ou de l’actualité en ligne, les médias sont des canaux d’information essentiels.

Malheureusement, on constate des différences significatives entre la couverture médiatique des Jeux olympiques et celle des Jeux paralympiques. Des preuves scientifiques montrent que les Jeux paralympiques reçoivent moins d’attention médiatique que les Jeux olympiques. Dans cet article, nous allons retracer brièvement l’histoire de la relation entre médias et Jeux paralympiques. Nous concentrerons particulièrement sur le changement crucial qui s’est opéré dans la gestion médiatique depuis les Jeux paralympiques de Londres en 2012.

Les débuts des Jeux paralympiques et leur couverture médiatique

Source : Flickr / Paul Townsend

D’après Goggin et Hutches (2017), les médias couvraient déjà les Jeux paralympiques dans les années 1950. Cependant, les médias ont commencé à jouer un rôle de plus en plus important dans les Jeux paralympiques seulement à partir des Jeux de Rome dans les années 1960. Un problème crucial s’est toutefois posé à cette époque, et il se pose encore aujourd’hui : les Jeux paralympiques ont certes attiré l’attention des médias, mais les articles relatifs à cet événement sportif se trouvaient principalement dans la rubrique « société » et non pas dans la rubrique « sports ». De plus, ils étaient principalement rédigés en tant que reportages et non pas en tant qu’articles sportifs, infligeant ainsi encore une humiliation supplémentaire aux personnes en situation de handicap.

Grâce aux avancées technologiques, il est devenu possible de toucher un vaste public et de diffuser des évènements sportifs en direct, ce qui s’est révélé très populaire et efficace. Malgré cela, les Jeux paralympiques représentaient toujours une minorité. Golden (2003) a parlé de la minorité « invisible », faisant référence également à la non-couverture des handisports. Il en va de la tendance médiatique générale consistant à ne pas couvrir suffisamment de sujets en lien avec des personnes en situation de handicap, suggérant que ces dernières n’ont pas une place à part entière dans la société.

Afin de résoudre ce problème, des mesures ont été prises pour présenter les Jeux paralympiques en tant qu’événement sportif international méritant de faire l’actualité. Mais encore une fois, malgré ces ambitions, un long chemin devait encore être parcouru pour atteindre l’égalité au regard de ces questions. À travers l’histoire, les Jeux paralympiques ont été confrontés à un esprit de clocher, aux préjugés, à la ségrégation, à des comportements condescendants, ainsi qu’à un langage inapproprié. Goggin et Hutchins en sont arrivés à la conclusion que les Jeux paralympiques représentaient un défi inhabituel pour le journalisme, ce qui a conduit à une couverture médiatique « superficielle et curieuse ».

Avec le temps, cependant, les médias ont commencé à jouer un rôle majeur pour les personnes handicapées, non seulement en ce qui concerne les handisports, mais aussi pour présenter les perspectives différentes, ainsi que pour plaider en faveur de l’égalité, des droits et de la justice.

Selon Goggin et Hutchins, les Jeux paralympiques de 2000 marquent le point de départ de changements fondamentaux, ces Jeux ayant été présentés comme un événement sportif majeur. Pour la première fois, les médias se sont attachés à mettre en valeur les participants en situation de handicap en tant qu’athlètes d’élite. Ce changement symbolise l’éloignement du stéréotype selon lequel les personnes en situation de handicap ne participent pas aux activités sportives régulières et exigeantes. Même si des améliorations significatives étaient constatées, le nombre d’articles d’actualité au sujet de cet évènement demeurait faible.

Source: Flickr / International Paralympic Committee

Londres 2012 – des changements remarquables grâce aux médias numériques

Une autre étape majeure sur le chemin vers l’égalité de couverture médiatique a été franchie avec les Jeux paralympiques de 2012 à Londres. Le nombre de sujets rapportés à la radio, à la télévision ainsi que dans les journaux papiers et en ligne le montre clairement : alors que la couverture médiatique des Jeux paralympiques préalables, à Pékin en 2008, a atteint 31 986 sujets, en 2012, ce nombre a presque doublé, atteignant les 63 343 sujets.

Selon l’article scientifique de Goggin et Hutchins (2017), depuis Londres, la gestion médiatique des Jeux paralympiques a évolué au moins sur cinq points.

Source: Flickr / International Paralympic Committee

Premièrement, c’est la première fois que les Jeux paralympiques ont été présentés comme un évènement essentiel lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Durant la cérémonie, une version abrégée a cappella de l’hymne national du Royaume-Uni a été interprétée par la Kaos Signing Choir for Deaf and Hearing Children (chorale Kaos dans laquelle des enfants sourds et entendants chantent et s’expriment dans la langue des signes). Cette performance a souligné la détermination du comité organisateur de présenter les Jeux olympiques et paralympiques en tant qu’événements liés, utilisant des stratégies médiatiques ciblées pour les deux événements.

Deuxièmement, pour la première fois les Jeux paralympiques de Londres ont pleinement intégré les médias sociaux et médias en ligne à l’entreprise médiatique. Les médias numériques ont contribué à atteindre différents publics et communautés. Aussi, le Comité international paralympique (CIP) a élaboré ses propres canaux médiatiques numériques, qui ont suscité des réactions ainsi qu’un engagement massifs de la part des fans de sport. Ces canaux ont atteint environ 270 millions de personnes.

Source: Flickr / International Paralympic Committee

Troisièmement, présenter les handisports à un public plus large a demandé des efforts substantiels de la part des journalistes, qui ont dû travailler sincèrement à l’évolution des pratiques et perceptions journalistiques. Les leaders médiatiques ont déclaré que, au fil des années, leurs efforts pour supporter et fournir des contenus sur ces Jeux sont devenus plus efficaces, grâce à l’apprentissage et à l’ajustement de leur stratégie.

Quatrièmement, suite à l’expérience et la visibilité fournies par les Jeux de Londres, certains comités paralympiques nationaux se concentrent désormais sur le soutien des athlètes individuels dans le cadre de leur présentation et communication médiatiques.

Source: Flickr / International Paralympic Committee

Cinquièmement, les Jeux paralympiques de Londres ont aussi attiré plus largement l’attention sur les controverses politiques et sociales en question à cette époque. Les militants pour les droits des personnes en situation de handicap ont fait des Jeux la cible de protestations destinées à faire émerger les questions du handicap, de l’aide sociale, de la citoyenneté et du travail au Royaume-Uni.

Après Londres : Sotchi 2014 et Rio 2016

A l’issue des Jeux de Londres en 2012, les Jeux d’hiver de Sotchi de 2014 ont également bénéficié d’une haute attention médiatique. Ce sont les Jeux paralympiques d’hiver qui ont été les plus regardés jusqu’ici. Néanmoins, un grand retour en arrière est à déplorer : les organisateurs et la société russe n’ont pas adopté l’approche consistant à placer sur un pied d’égalité les Jeux olympiques et paralympiques. Les Jeux paralympiques ont été considérés comme un événement de seconde classe des Jeux olympiques. Le cas de Sotchi souligne une nouvelle fois la progression inégale des Jeux paralympiques en tant qu’évènement sportif international reconnu dans le monde entier et le rôle clé joué par les médias dans ce contexte.

Les Jeux olympiques de Rio en 2016 ont battu un nouveau record de fréquentation. Le niveau de couverture médiatique a également atteint un nouveau sommet dans de nombreux pays. Toutefois, pour ce qui est de l’analyse de la couverture médiatique, il n’y a pas encore de preuves scientifiques.

Source: Flickr / International Paralympic Committee

En conclusion, Londres 2012 a marqué un changement crucial dans la gestion et la couverture médiatiques des Jeux paralympiques. Des efforts concertés sont déployés afin d’établir les Jeux paralympiques en tant qu’événement aussi significatif que les Jeux olympiques. Et le résultat est là : un sondage mené au Royaume-Uni montre que les Jeux paralympiques changent la perception que les gens ont du handicap. Même si des études supplémentaires sont nécessaires, cela souligne l’importance de la poursuite du combat pour l’égalité de couverture médiatique. Car il ne s’agit manifestement pas seulement d’un combat pour la présence médiatique, mais aussi d’un combat pour l’identité et l’égalité dans la société.

Que pensez-vous de la différence de couverture médiatique entre les Jeux olympiques et paralympiques ? Comment ce problème pourrait-il être résolu ?

Références :

[traduction de la publication originale en anglais]

Commentaires (3)

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Chère Jelena,
Vous proposez un très bel article et une belle recherche. Bravo pour cela.
Je crois que le regard social vis-à-vis du handicap évolue en permanence (et diffère en fonction des régions, pays). Même si les jeux olympiques ou...
Chère Jelena,
Vous proposez un très bel article et une belle recherche. Bravo pour cela.
Je crois que le regard social vis-à-vis du handicap évolue en permanence (et diffère en fonction des régions, pays). Même si les jeux olympiques ou paralympiques sont des événements médiatiques majeurs, l'organisation et la diffusion de l'information sont effectués par des humains qui ont certainement le même malaise vis-à-vis du handicap que la société en général en dehors de l'événement.
Le fait est qu'on vit encore dans ce monde où il y a un malaise parce que justement le handicap est incompris car sous-représenté et ce dans tous les secteurs de la vie (politique, sportif, qu'importe).
Pour moi, il n'y a que dans l'éducation: dans l'information et la sensibilisation qu'on normalisera le handicap. Représenter le sport de haut niveau à la télé est un moyen, mais sensibliser les enfants à l'école en est aussi un, par exemple.
Les politiques (et à quelque part aussi la contrainte par la loi) permettent aussi des prises de conscience, et obligent d'une certaine façon à l'inclusion. Ca c'est aussi un autre moyen efficace.
La grande chance que nous offre notre passé, c'est ces contre-exemples (d'ordre négatif ou discriminant) qu'on ne souhaite pas appliquer pour notre futur: le fait d'en parler, d'en débattre, de médiatiser ces erreurs aussi fera avancer encore davantage notre société.
Le monde change, mais il change à petits pas.



nevea

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Chère nevea

ta publication m’a fait réfléchir à ma propre situation et je suis d’accord avec toi que l’éducation, au sens large du terme, est la clé pour éliminer les barrières face au handicap. Comme beaucoup d’autres gens, j’étais souvent mal...
Chère nevea

ta publication m’a fait réfléchir à ma propre situation et je suis d’accord avec toi que l’éducation, au sens large du terme, est la clé pour éliminer les barrières face au handicap. Comme beaucoup d’autres gens, j’étais souvent mal à l’aise vis-à-vis du handicap : j’avais peur de dire des bêtises, de manquer de respect, de poser des questions inappropriées. Puis j’ai commencé à travailler à la Recherche suisse pour paraplégiques et tout à coup j’ai été en contact régulier avec des personnes en fauteuil roulant. Maintenant je peux dire qu’il n’y a eu rien de mieux que la connaissance pour surmonter les peurs et (finalement !) me sentir à l’aise au moins devant une forme de handicap physique. Je crois fermement que le contact avec des personnes handicapées est la meilleure forme de sensibilisation et le meilleur moyen de normaliser le handicap. La connaissance personnelle crée de l’intérêt sincère pour l’autre et facilite l’échange, surtout si, comme dans mon cas, on a la chance de côtoyer des personnes qui vivent bien avec leur handicap …et ne te jugent pas si tu fais une gaffe ou tu poses une question bête.

Cordialement

Claudia
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Chère Claudia,
Merci pour ton retour d'expérience qui valide mes hypothèses ;-)
J'ai encore réfléchi à toutes ces choses, et je me suis dit aussi que toutes les minorités ne sont pas bien représentées, c'est universel...
Si on reste dans le...
Chère Claudia,
Merci pour ton retour d'expérience qui valide mes hypothèses ;-)
J'ai encore réfléchi à toutes ces choses, et je me suis dit aussi que toutes les minorités ne sont pas bien représentées, c'est universel...
Si on reste dans le sport et qu'on regarde le football féminin, c'est un peu pareil en quelque sorte! Peu de représentation médiatique, peu de crédibilité par rapport aux hommes, etc etc etc.
Dans la veine des #balancetonporc #metoo #timesup et compagnie qui permettent de mettre en avant divers problèmes de société, je trouverais bien qu'on défende nos droits ou qu'on parle de discrimination, aussi dans le secteur du handicap!

Bisous

Nevea
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