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Le jeune utilisateur de fauteuil roulant est assis en uniforme militaire devant un avion de combat.
Nouvelles

Inclusion dans l’armée suisse

Plusieurs projets pilotes permettent l’intégration des personnes en situation de handicap dans l’armée suisse

Plusieurs projets pilotes permettent l’intégration des personnes en situation de handicap dans l’armée suisse

Les thèmes de la diversité et de l’inclusion ont gagné en importance dans la société au cours des dernières années. Cette évolution gagne aussi progressivement l’armée suisse. C’est essentiel, car du fait de l’obligation générale de servir, l’armée fait office de reflet de la société suisse.

Le service spécialisé Diversity Armée suisse a été créé en 2019. Il traite toutes les questions liées à la diversité et aux minorités au sein de l’armée suisse. Il fait en sorte que tous les membres de la milice puissent accomplir avec succès leur service militaire, quels que soient leur genre, leur orientation sexuelle, leurs origines ethniques, leur religion, leur physiologie, etc.

Pourquoi, après tant d’années, l’armée suisse s’engage-t-elle aujourd’hui pour la diversité ? Luc Bruttin, chef de projets Diversité dans l’armée suisse, a récemment dressé un état des lieux sur la question de la diversité au sein de l'armée. Il y écrit :

« Le potentiel émanant de la diversité doit être pleinement utilisé. Il s'agit d'un rouage essentiel à la viabilité de l’armée à long terme et à son attractivité auprès de la population. »

Uniformes militaires suisses et fusils à hauteur d'épaule.

L’armée suisse aspire à plus d’inclusion. (Source : https://www.vtg.admin.ch)

L’inclusion confronte parfois à des défis à la fois les personnes volontaires pour accomplir du service militaire et l’armée. Toutefois, il y a eu plusieurs nouvelles réjouissantes au cours de cette année. Ainsi, au printemps, Nouh Arhab est devenu la première recrue paraplégique de l’histoire de l’armée suisse. En outre, l’armée a admis plusieurs sportifs dans la promotion du sport d’élite. De tels progrès exigent néanmoins souvent beaucoup de volonté et de persévérance, comme le montre l’exemple de Nouh Arhab.

La première recrue en fauteuil roulant de l’armée suisse

Nouh, aujourd’hui âgé de 21 ans, est originaire de Lausanne. Il est né avec un spina bifida, qui le contraint à se déplacer en fauteuil roulant. Il était motivé pour accomplir du service militaire. Toutefois, le médecin militaire compétent ne l’a même pas invité à entrer dans son bureau et lui a annoncé sur le pas de la porte qu’il était inapte.

« J’accepte depuis toujours d’être handicapé. Mais rien n’est impossible. Il y a toujours moyen de mettre le handicap dans les activités des valides. »

Nouh Arhab

Le jeune homme a contesté la décision. Il a déposé trois recours, qui ont tous été rejetés. Pour le quatrième recours, le service spécialisé Diversity Armée suisse et quatre médecins de divers domaines de spécialité ont été impliqués. Après plus de 18 mois, Nouh a finalement quand même été déclaré apte au service.

C’est ainsi que Nouh a rejoint la caserne de Payerne (VD) en tant que recrue en mars 2021. Il a débuté en tant que soldat d’exploitation dans la troupe logistique. Afin qu’il puisse bien s’en sortir, son environnement de travail a été aménagé, entre autres sa chambre, les douches et la logistique des repas.

Nouh Arhab est assis dans son fauteuil roulant à un bureau et accomplit des tâches administratives pour l’armée suisse.

A la caserne, Nouh accomplit des tâches administratives et accueille les nouvelles recrues. (Source : VBS / https://www.blick.ch)

Le porte-parole de l’armée Daniel Reist confirme que Nouh Arhab est la première recrue en fauteuil roulant de Suisse. Il qualifie cela de projet pilote par lequel l’armée suisse aspire à une ouverture.

Entre-temps, Nouh a atteint le grade de soldat. Il affirme se sentir bien à la caserne et prétend que les autres ne perçoivent plus son handicap. Toutefois, il y a parfois des situations désagréables lorsqu’il rentre chez lui en train :

« Certaines personnes pensent que mon uniforme est un costume et me font des remarques. Je ne réponds rien et leur montre mon ordre de marche. »

Nouh Arhab

Des sportifs en fauteuil roulant remilitarisés

Un autre projet pilote permet aux sportifs en fauteuil roulant de suivre les CR pour sportifs d’élite. (« CR » désigne les « cours de répétition » dans l’armée, que les citoyens suisses doivent suivre régulièrement au cours des années suivant l’école de recrues.) Depuis le printemps 2021, trois sportifs en fauteuil roulant bénéficient aussi pour la première fois de la promotion du sport d’élite de l’armée suisse : Luca Olgiati (badminton) d’Hausen (AG), Pascal Christen (ski alpin) de Kriens (LU) et Louka Réal (basketball) de Pully (VD).

Le jeune Luca Olgiati porte un maillot noir et joue au badminton en fauteuil roulant.

Luca Olgiati (33), espoir du parabadminton suisse. (Source : https://www.swissparalympic.ch)

Leur situation est différente de celle de Nouh Arhab : tous les trois avaient déjà fait l’école de recrues (ER) avant leur handicap. Ils ont ensuite été paralysés par un grave accident et déclarés inaptes au service. En étant admis dans les CR pour sportifs d’élite, ils ont à présent été remilitarisés.

Dans le cadre de la promotion du sport d’élite, les trois sportifs en fauteuil roulant profitent désormais de jusqu’à 130 jours de CR payés par an pour l’entraînement et les compétitions. Ces cours se déroulent principalement au centre de compétences sport de l’armée à Macolin (BE). La promotion facilite grandement leur préparation pour les jeux paralympiques de 2022 à Pékin et ceux de 2024 à Paris.

Le jeune homme Pascal Christen fait du mono-skibob.

Pascal Christen (28) a en vue les jeux paralympiques d’hiver de 2022 à Pékin. (Source : Pascal Christen / https://www.vtg.admin.ch)

« D’un côté, je suis très honoré de faire partie des premiers sportifs en fauteuil roulant qui peuvent accomplir des jours de CR. D’un autre côté, l’intégration de sportifs comme moi dans la promotion du sport d’élite de l’armée suisse est essentielle et juste du point de vue de l’inclusion. »

Pascal Christen

Dans les numéros de cette année de la revue « Paracontact », il y a une série en quatre parties consacrée à la promotion du sport d’élite de l’armée suisse. Luca Olgiati, Pascal Christen et Louka Réal y sont également présentés.

Le jeune joueur de basketball en fauteuil roulant Louka Réal regarde résolument vers le haut.

Louka Réal (29) poursuit son rêve de joueur de basketball professionnel. (Source : Instagram @louka91)

« Le soutien de l’Armée me permet d’investir plus de temps dans l’entraînement et génère moins de stress dans ma formation. »

Louka Réal (p. 36)

Pour la première fois, deux sportifs en situation de handicap à l’ER pour sportifs d'élite

En plus des CR pour sportifs d’élite, l’ER (école de recrues) pour sportifs d’élite a elle aussi été ouverte aux sportifs présentant un handicap. En novembre 2021, une sportive et un sportif en situation de handicap ont pour la première fois intégré l’ER pour sportifs d’élite à Macolin : Elena Kratter (athlétisme) de Vorderthal (SZ) et Fabian Recher (handbike) de Spiez (BE). Les deux peuvent désormais s’entraîner durant 18 semaines et perçoivent une allocation pour perte de gain et une solde régulière.

Suite à des complications à la naissance, Elena Kratter porte une prothèse au niveau de la jambe droite. La jeune femme de 25 ans exerce elle-même la profession de technicienne orthopédiste et fabrique ses propres prothèses. Elle s’entraîne chaque jour, si son travail le lui permet. Lors de ses premiers jeux paralympiques à Tokyo cette année, Elena a remporté la médaille de bronze au saut en longueur.

La jeune athlète Elena Kratter court sur une piste avec une prothèse de jambe.

Elena Kratter (25) fait actuellement l’ER pour sportifs d’élite. (Source : Marcus Hartmann / https://www.admin.ch)

Fabian Recher a lui aussi à présent la possibilité d’investir plus de temps dans l’entraînement. Le jeune homme de 22 ans atteint de spina bifida est double champion suisse de handbike. Lors de ses premiers jeux paralympiques à Tokyo, il a décroché deux titres. A côté du sport, il travaille en tant que vendeur. Déjà il y a quatre ans, il voulait intégrer l’ER pour sportifs d’élite. « On m’a alors répondu : Aucune chance ! », a-t-il raconté. Il semblerait que les mentalités aient maintenant changé dans la direction de l’armée.

Le jeune homme Fabian Recher roule sur son handbike avec le sourire aux lèvres.

Fabian Recher (22) s’entraîne avec motivation pour les jeux paralympiques de 2024 à Paris. (Source : Daniel Streit / https://www.admin.ch)

Même la SRF a suivi les débuts des deux sportifs d’élite à l’ER. Sur la vidéo en haut de cette page SRF.ch, vous voyez comment ils ont vécu les premières journées. Fabian Recher s’exprime aussi régulièrement au sujet de sa période à l’ER dans l’infolettre de Sport suisse en fauteuil roulant.

A l’issue de l’ER pour sportifs d’élite, les deux auront aussi la possibilité d’accomplir chaque année 130 jours de CR pour sportifs d’élite. Ils pourraient ainsi continuer à s’entraîner de manière professionnelle pour les jeux paralympiques de 2024 à Paris – et dans le meilleur des cas, décrocher des médailles pour la Suisse. :-)

Atteindre l’objectif avec de la persévérance

Il a fallu réaliser un grand travail de persuasion dans l’armée pour l’intégration de personnes en situation de handicap dans les CR pour sportifs d’élite et l’ER pour sportifs d’élite. Comme pour Nouh Arhab, il a d’abord fallu convaincre le service médico-militaire, qui prend la décision « apte » ou « inapte ». Par ailleurs, des questions relevant de l’assurance militaire ont dû être clarifiées.

Le « pionnier » de cette évolution a été le cycliste amputé de la cuisse Roger Bolliger. En 2018, René Ahlmann, à l’époque commandant du centre de compétences sport de l’armée, lui a demandé s’il avait un jour fait du service militaire. Bolliger a répondu « oui » et c’est ainsi qu’a débuté un projet pilote pour intégrer les sportifs handicapés dans la promotion du sport d’élite de l’armée.

« Peut-être que je serai le premier et le dernier soldat en fauteuil roulant. Ou peut-être qu’il y en aura plein d’autres après moi. »

Nouh Arhab

Les trois évolutions qui se sont produites cette année et qui ont été présentées ici constituent de premiers pas vers l’inclusion des personnes en fauteuil roulant dans l’armée suisse. Beaucoup d’engagement et de persévérance sont nécessaires de part et d’autre pour un changement général de mentalité. Mais les signes sont encourageants et il y a de bonnes chances que les projets pilotes deviennent des possibilités régulières à l’avenir. Et que Nouh Arhab ne reste pas le seul utilisateur de fauteuil roulant qui puisse faire son service militaire pour la Suisse.

Que pensez-vous de l’ouverture de l’armée suisse à plus d’inclusion ? Cette étape aurait-elle dû être franchie depuis longtemps ou alors l’armée est-elle uniquement faite pour les piétons ?

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