Le 24 mars se tient à Berne la toute première session des personnes handicapées. Quatre participants racontent ce qu’ils en espèrent
- 7 Minutes de lecture
- 22 mars 2023
- Christine Zwygart
Le 24 mars se tient à Berne la toute première session des personnes handicapées. Quatre participants racontent ce qu’ils en espèrent
C’est un privilège pour le président du Conseil national de convier des personnes dans la salle du Conseil national à Berne pour une occasion particulière. Le centriste Martin Candinas profite de l’occasion pour convoquer la toute première session des personnes handicapées de Suisse. Il est lui-même membre de longue date de la commission cantonale des Grisons de Pro Infirmis, et il est l’initiateur de l’idée.
L’exigence tombe à point nommé. Car selon Philipp Schüepp, « l’examen de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées au printemps 2022 donne une mauvaise image de la situation suisse en matière d’égalité des droits des personnes handicapées ». Il est responsable des affaires publiques de Pro Infirmis et explique que lors de la session, une résolution pour la participation à la vie politique fait l’objet de discussions : « Celle-ci a été préparée par la commission des personnes handicapées mais peut encore être complètement modifiée le 24 mars via des demandes et des votes. »
La rencontre au Palais fédéral est dirigée par le conseiller national du Centre Christian Lohr. Le Thurgovien est une « victime du thalidomide » : il est venu au monde sans bras et avec une malformation des jambes.
Qu’est-ce qui fait que 44 personnes peuvent participer ? D’après les statistiques, 22 % de la population suisse vit avec un handicap. Pour 200 députés au Conseil national, cela correspond à 44 sièges. Les participants ont été préalablement choisis par le grand public. Dans cet article, nous vous parlons d’eux et de la thématique qu’ils souhaitent mettre en lumière lors de cette session.
Donner la parole aux personnes handicapées
Anne Hägler, née en 1968, vit en autonomie à Winterthour (ZH) grâce à des assistantes et à l’Aide et soins à domicile. En raison de sa sclérose en plaque, elle souffre d’une tétraplégie. Par le passé, elle a suivi la formation d’ingénieure agroalimentaire ETH, et elle s’occupe aujourd’hui principalement de questions liées à l’alimentation.
Lors de son temps libre, elle aime tout ce qui touche à la culture, aux musées, à la musique classique, à la lecture et à la formation continue. « Auparavant, je consacrais principalement mon temps libre aux sports comme l’alpinisme et le ski, ainsi qu’aux voyages autour du monde. » Mais son état de santé a changé les choses.
Jusqu’à maintenant, Anne Hägler n’était pas active sur le plan politique, mais désormais elle s’engage pour ses causes. Pour elle, il s’agit de la mise en relation, du logement accompagné pour les personnes présentant un handicap physique et sensoriel – et de la vie en société en général : « Je souhaite pour les personnes handicapées une offre comparable à celle existant pour les seniors en termes de qualité et de quantité. » En fin de compte, tout le monde souhaite pouvoir mener une vie sereine, libre et autodéterminée. C’est pour cela qu’elle veut faire entendre sa voix – et être entendue par les politiques.
« Ensemble nous sommes forts – c’est pour cela que je souhaite une interconnexion au-delà de la maladie spécifique et du handicap. »
Anne Hägler
Inclusion plutôt qu’exclusion
Peter «Pesche» Buri, né en 1988, vit à Ostermundigen (BE) et il est commerçant indépendant CFC. Il souffre d’une myopathie de Duchenne de type 2, une maladie neuromusculaire dégénérative. Outre la politique, l’amateur de musique s’intéresse également aux jeux vidéo et aux films, au hockey sur glace, au football américain, aux voyages et à la gastronomie. « Je suis quelqu’un de jovial, entreprenant, curieux et sincère. »
Sa position est claire : il veut un monde du travail inclusif où tout le monde a les mêmes droits. Un monde de la politique accessible et sans barrières. Un État social qui ne laisse personne de côté. Et la liberté de choix absolue en matière de situation de logement – « que ce soit dans un appartement, avec ou sans assistance personnelle, dans une colocation, avec l’Aide et soins à domicile ou dans une institution. » Pesche Buri est convaincu que les personnes handicapées doivent être visibles dans la société.
« Lors de la session, mais aussi au-delà, notre responsabilité est énorme car nous sommes le fer de lance de notre mouvement. »
Pesche Buri
Droit de regard en politique
Vanessa Grand, née en 1978, habite avec ses parents dans une maison individuelle à Loèche (VS) ; elle est journaliste et chanteuse. Elle s’engage en outre en faveur des personnes atteintes d’une maladie ou d’un handicap au sein de diverses organisations. La Valaisanne vit avec la maladie des os de verre, elle aime le bricolage et les travaux manuels, la lecture et les voyages.
Dans le domaine de la politique, elle a déjà pu agir un peu et mettre en lumière des anomalies, mais elle n’exerce aucun mandat et n’appartient à aucun parti. « Selon moi, le handicap concerne tout le monde – et je ne connais actuellement aucun parti qui se démarque vraiment des autres sur ce sujet. »
« Par où commencer ? », s’interroge-t-elle. Quand il s’agit de la cause des personnes handicapées, de nombreuses revendications lui viennent immédiatement à l’esprit. Mais selon elle, le système de santé joue assurément l’un des principaux rôles, tout comme la mobilité : « Si les transports publics ne sont pas accessibles, cela me limite grandement en tant que personne touchée en ce qui concerne l’école, le travail, les loisirs et les rendez-vous médicaux. »
Vanessa Grand plaide donc pour un droit de regard dans les affaires politiques. « Si nous ne pouvons pas exercer une influence sur les lois, les décisions seront toujours prises à nos dépends. Et ça n’est pas acceptable. »
« Celui qui n’est pas visible n’existe pas. Mais 22 % de la population suisse vit avec un handicap ! »
Vanessa Grand
Moins de bureaucratie, plus d’humanité
Martin Jaussi, né en 1966, vit avec sa partenaire à Baar (ZG). Il était autrefois maître menuisier et a repris une affaire en tant qu’indépendant. Il s’est vu poser le diagnostic d’une sclérose en plaques dès ses jeunes années, et en raison de ses problèmes de santé, son travail est devenu toujours plus administratif. « J’aime être avec des gens, être en compagnie d’autres personnes. » La lecture fait partie de ses loisirs.
Le Bernois de naissance est pleinement engagé, il est membre du groupe de travail des personnes handicapées de Zoug, et interlocuteur de InVIEdual en Suisse centrale, un centre de conseil dans le domaine de l’assistance.
Martin Jaussi connaît bien le sujet, de par sa propre expérience. Il a lui-même vécu quelques années dans un centre de soins, jusqu’à ce qu’un nouveau système d’accompagnement composé de sa partenaire, de cinq assistantes et d’un assistant, avec surveillance nocturne, lui permettent de vivre dans son propre logement.
Cela lui a également permis de devenir employeur, avec tout ce que cela implique. Cela implique surtout beaucoup de bureaucratie, et certains écueils politiques incompréhensibles : « Je connais des personnes touchées que ce projet a surmenées. »
Ça ne devrait pas être le cas, car l’aide administrative nécessaire et une gestion simplifiée permettent de bien façonner une vie indépendante. « Je souhaite m’engager pour cela et encourager d’autres personnes à en faire de même. » Pour cela, il faut également suffisamment de logements accessibles en fauteuil roulant qui soient abordables.
« Les jeunes gens, précisément, ne devraient pas devoir vivre dans un foyer – leur place est au cœur de la société. »
Martin Jaussi
Sur quels points le domaine politique doit-il s’améliorer en ce qui concerne les personnes handicapées ? Selon vous, où faut-il agir ?