Bracha Fischel peint avec la bouche – et avec l’aide de sa chienne Dona
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- 14 octobre 2022
- Christine Zwygart
Bracha Fischel peint avec la bouche – et avec l’aide de sa chienne Dona
Abandonner l’ennui l’espace d’un instant et profiter du changement d’air – tout pouvoir, ne rien devoir. Fréquenter l’atelier de création du Centre suisse des paraplégiques, c’est plonger dans un autre monde. « Nous offrons une oasis au quotidien qui apporte une distraction bienfaisante », explique Iris Marti, qui accompagne ici les patients stationnaires.
Dessiner des mandalas, travailler avec l’argile ou la pierre, fabriquer des bijoux, sculpter du bois, colorer de la soie ou peindre avec la bouche : ici, chacun peut faire quelque chose qui lui fait plaisir et qui est à sa portée. « La créativité détourne de son propre corps et fait du bien à l’âme », affirme Iris Marti d’expérience. Même si beaucoup – surtout les hommes – prétendaient ne pas être assez doués.
Cette forme d’occupation est étroitement liée au processus de traitement au cours de la rééducation : quelles vieilles habitudes dois-je abandonner ? Qu’est-ce qui pourrait me faire plaisir ? Comment organiser désormais mon temps libre ?
Pour une fois, ce n’est pas le corps qui est au centre, mais le sujet d’un tableau ou l’idée d’une sculpture en bois. « À la fin, on a créé quelque chose que l’on peut offrir en remerciement à quelqu’un de cher, accomplissant soi-même un petit succès. »
L’esprit peut mettre des barrières – et les faire sauter
Pleurer dans un coin ou chercher de nouvelles voies et aller de l’avant? Bracha Fischel s’est elle aussi posé cette question, il y a 15 ans. En 1991, la jeune Zurichoise émigre en Israël ; elle y vit dans un kibboutz, y rencontre son mari, devient mère de trois filles et travaille comme infirmière.
Elle souffre par la suite d’arthrite rhumatoïde touchant également la colonne vertébrale. Suite à une opération, elle perd l’usage de ses bras et de ses jambes ; une tétraplégie avec myélopathie s’est développée.
Continuer à vivre ainsi ? « Au début, je ne faisais que pleurer », raconte Bracha. Pendant la rééducation, elle apprend à écrire avec la bouche. Elle fait ensuite la connaissance de ce jeune homme qui peint malgré sa tétraplégie, avec le pinceau entre les dents. Il lui dit qu’elle peut pleurer, ou bien prendre sa vie en main et en faire quelque chose. « Il avait raison. Tout est dans la tête. Depuis, je n’ai plus aucune limite. »
« La peinture, c’est tout pour moi. Elle remplace mes jambes, mes bras, et reflète mon âme. »
Bracha Fischel
La chienne Dona aide à peindre
Avant sa maladie déjà, elle s’était déjà adonnée à la peinture dans sa maison de Tibériade, au bord du lac de Génézareth, mais le temps lui faisait souvent défaut. À la suite de sa maladie, Bracha a progressivement appris à tenir un pinceau ou un crayon en bouche de façon à le diriger avec la langue. Elle a suivi à distance le cursus d’école de peinture créative de l’académie de Hambourg, en tant que seule et unique artiste peignant avec la bouche. Et depuis deux ans, elle partage sa vie avec un fidèle compagnon qui l’aide : Dona, une femelle Labrador Retriever noire.
À Tel Aviv, les étudiants bricolent volontiers des outils et mécanismes pour simplifier la vie et le travail de Bracha. Son chevalet est réglable de haut en bas et de gauche à droite sur pression d’un bouton. Comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessous, la chienne Dona peut se charger du réglage en toute simplicité sur commande.
L’artiste aime peindre des paysages, des fleurs et des animaux. « Des amis du monde entier m’envoient leurs photos favorites, que je réinterprète et peints ». Parfois, il ne lui faut qu’un jour, mais pour les sujets plus fins, cela peut nécessiter une semaine – « et certains tableaux ne sont jamais terminés ».
Régulièrement de passage en Suisse
L’artiste revient régulièrement en Suisse, que ce soit pour des expositions ou des conférences. Son message est clair : toute personne est précieuse et peut transmettre quelque chose. En Israël, elle a elle-même reçu beaucoup de solidarité et de soutien de sa famille et ses amis. « Et à mon tour, je m’engage au sein d’un réseau qui soutient les personnes seules. » Elle téléphone, écoute, et aide à la réflexion.
Si vous souhaitez faire la connaissance de Bracha Fischel en personne, vous en aurez la possibilité le 25 octobre 2022 à 19h30. Elle sera l’invitée de l’association suisse des artistes peignant avec la bouche ou le pied lors du vernissage qui aura lieu à la Ostschweizer Fachhochschule de Saint-Gall à l’occasion du Kulturzyklus Kontrast. Bien entendu, Dona sera également de la partie.
Au demeurant, l’atelier de création du Centre suisse des paraplégiques accueille lui aussi un compagnon à quatre pattes deux fois par mois. Outre la créativité qu’elle stimule, la visite des chiens assure également de « petits moments de bonheur », comme le raconte Iris Marti.
Comment exprimez-vous votre créativité ? Nous avons hâte de connaître vos expériences.