L’interminable débat sur la marijuana, son intérêt médical et la recherche
- 7 Minutes de lecture
- 8 octobre 2018
- Cassandra
L’interminable débat sur la marijuana, son intérêt médical et la recherche
Auteur du résumé : Cassandra Montoya (Recherche suisse pour paraplégiques)
La marijuana est utilisée à des fins médicales depuis des milliers d’années. Certains de ses composants dérivés se sont révélés être des antidouleurs efficaces. L’objectif de cet article est de présenter les considérations clé de trois publications scientifiques portant sur l’utilisation de la marijuana dans le traitement de la douleur.
Contexte
La marijuana, ou cannabis, est utilisée en médecine depuis au moins 10 000 ans. Au fil des années, différentes affirmations ont émergé à propos des bénéfices de la marijuana pour la santé tels que le contrôle de la douleur chronique, des nausées et de la spasticité. Les défenseurs de l’usage clinique de la marijuana avancent généralement l’argument selon lequel la marijuana présente un faible risque d’addiction et une meilleure efficacité clinique par rapport à d’autres substances telles que les opioïdes.
Néanmoins, la marijuana est inscrite à l’Annexe I du Controlled Substances Act des États-Unis depuis 1970. Il s’agit de l’unique catégorie de substances contrôlées qui n’est pas autorisée à la prescription par les médecins. Selon la déclaration, la marijuana n’a aucun intérêt médical mais possède un fort potentiel d’abus. De plus, il est considéré qu’elle présente un manque de sécurité acceptable pour l’utilisation sous supervision médicale.
En raison de cette règlementation très restrictive, la recherche sur l’intérêt médical de la marijuana reste un défi. La désignation Annexe I a toujours été très controversée et reste toujours un sujet d’intérêt et de débat parmi les politiques et les scientifiques. De nombreux chercheurs et médecins pensent que la marijuana devrait passer dans l’Annexe II du Controlled Substances Act, où elle serait acceptée pour un usage médical.
La section qui suit est un bref résumé de trois articles scientifiques portant sur le cannabis – dénomination utilisée pour parler de la marijuana dans ces articles. Ils fournissent des indications sur la question de savoir si oui ou non le cannabis devrait être utilisé en médecine.
Première étude : le cannabis est une option thérapeutique valable
Graves, lui-même médecin, écrit que le cannabis constitue un traitement efficace de la douleur après une lésion médullaire. Dans son article d'août 2018, M. Graves préconise la disponibilité du cannabis pour les patients et les chercheurs à des fins cliniques. Il partage les découvertes suivantes pour appuyer son point de vue :
- Des preuves concluantes ont été apportées concernant l’efficacité du cannabis dans le contrôle de la douleur chronique, des nausées et de la spasticité.
- Dans certaines études, les patients atteints de lésion médullaire et souffrant de douleurs chroniques ont rapporté que le cannabis était la médication la plus efficace – plus efficace que les opioïdes – et qu’il avait un des effets antidouleur les plus durables.
- Le cannabis a toujours été classé comme moins addictif que la caféine, la nicotine et l’alcool par les chercheurs.
Graves souligne que les recherches publiées ont remis en question la thèse selon laquelle la cannabis n’a pas de propriétés thérapeutiques. C’est la raison pour laquelle il considère comme éthiquement injuste de refuser et de restreindre l’usage du cannabis en tant que médicament.
Seconde étude : la nécessité de réduire les obstacles à la recherche sur le cannabis
Alors que les débats sur le pour et le contre du cannabis comme médicament font rage, Savage et al. (2016) indiquent que « de nombreux cliniciens et chercheurs spécialistes de la douleur sont d’accord sur le fait que les cannabinoïdes sont des composés chimiques prometteurs sur le plan clinique ». Les cannabinoïdes sont des constituants du cannabis – les substances chimiques qui donnent aux plantes de cannabis leurs propriétés médicales et récréationnelles.
Dans leur article, Savage et al. déclarent que le développement et l’usage clinique de cannabinoïdes en tant qu’agents thérapeutiques ont été entravés par la reconnaissance de leur source botanique, le cannabis, une substance source d’abus. En outre, les chercheurs soutiennent la nécessité de réduire les obstacles entravant la recherche sur le cannabis, car le programme actuel en matière de cannabis limite sa disponibilité, sa qualité, et le financement des recherches futures.
Troisième étude : le cannabis comme traitement efficace de la douleur en cas de lésion médullaire
Une troisième étude, de Heutink et al. (2011) a décrit les traitements de la douleur pharmacologiques et non pharmacologiques utilisés en cas de lésions médullaires chroniques. Dans leur étude, les chercheurs ont réalisé des investigations en rapport avec l’efficacité du traitement chez une vaste population néerlandaise de patients atteints de lésion médullaire. Les participants ont classé le cannabis et l’alcool parmi les traitements antidouleur les plus efficaces. D’autres traitements perçus positivement étaient l’acupuncture/le magnétisme, la physiothérapie/l’exercice, et le massage/la relaxation. Les traitements antidouleur considérés comme les moins efficaces étaient la TENS/les ultrasons ainsi que les antidépresseurs.
Néanmoins, les chercheurs ont découvert qu’au même titre que l’acupuncture/le magnétisme, le cannabis était rarement adopté. Cela pourrait s’expliquer par le fait que le cannabis n’est pas un médicament enregistré pour la douleur neuropathique aux Pays-Bas. Alors que de nombreuses personnes trouvent que les opioïdes soulagent adéquatement la douleur, leurs effets indésirables (par ex. constipation, instabilité mentale) peuvent être gênants et il existe également un risque de tolérance à la substance. Enfin, les chercheurs ont découvert que parmi les participants, « de nombreux traitements antidouleur ont été essayés par le passé mais ont été interrompus, probablement en raison d’un soulagement insuffisant de la douleur ou d’effets indésirables insupportables ».
Par coïncidence, l’ensemble de ces trois publications ont souligné le fait que les cliniciens rencontreront tôt ou tard des patients qui préféreront adopter le cannabis. Pour cette raison, ils doivent se préparer à les conseiller à propos de tous les risques et bénéfices potentiels liés au cannabis. Les médecins doivent avoir accès à des informations précises et utiles – par le biais de la recherche – concernant les risques et bénéfices potentiels du cannabis. Cela permettra aux patients de prendre les décisions éclairées les mieux adaptées à leur mode de vie et leurs besoins.
Mon point de vue personnel
C’est une certaine dose de perplexité et de fascination qui m’a amené à me pencher sur le sujet. Je considère qu’il est essentiel d’informer les personnes atteintes de lésion médullaire des discussions en cours à propos de cette plante dans le domaine de la recherche et de la médecine.
En ce qui me concerne, je pense que plus de fonds devraient être alloués à la recherche sur l’usage médical de la marijuana, ses risques et ses bénéfices, comme pour tout autre médicament. Si une plante possède le potentiel de soulager la douleur d’un individu et de traiter d’autres symptômes, pourquoi ne pas la rendre accessible aux patients ?
Que pensez-vous de la marijuana à usage médical ? En avez-vous fait des expériences ? Partagez vos avis avec nous !
Articles scientifiques de référence :
- Graves DE. Cannabis shenanigans: advocating for the restoration of an effective treatment of pain following spinal cord injury. Spinal Cord Series and Cases. 2018;4(1):67. Disponible sur: https://doi.org/10.1038/s41394-018-0096-1
- Savage SR, Romero-Sandoval A, Schatman M, Wallace M, Fanciullo G, McCarberg B, Ware M. Cannabis in Pain Treatment: Clinical and Research Considerations. The Journal of Pain. 2016;17(6):654–68. Disponible sur: https://doi.org/10.1016/j.jpain.2016.02.007
- Heutink M, Post MWM, Wollaars MM, van Asbeck FWA. Chronic spinal cord injury pain: pharmacological and non-pharmacological treatments and treatment effectiveness. Disability and Rehabilitation. 2011;33(5):433–40.Disponible sur: https://doi.org/10.3109/09638288.2010.498557
[traduction de la publication originale en anglais]