Ces choses que vous ne devriez pas dire aux utilisateurs de fauteuil roulant

Chère Jelena,
Merci pour le partage :-) Je me retrouve parfaitement dans ces témoignages!
En tant qu'enfant en chaise roulante, j'ai eu souvent à faire à la question: "mais c'est de naissance, ou vous avez eu un accident?": comme si ça changeait qqch :-)
Ou alors j'avais beaucoup de pitié de la part des gens "c'est vraiment trop dommage, si jeune......si jolie en plus...": comme si, vieille et moche, ce serait acceptable ;-)
Mais bien sûr ce qui était le plus frappant (encore maintenant), c'est qu'on ne m'adresse pas la parole, on parle à la personne qui m'accompagne pour demander qqch, comme si je n'étais pas capable de répondre ;-)
Et maintenant, en tant que maman et épouse, j'ai bien sûr des phrases formidables du style "vous avez des petits assistants, c'est pratique!", ou "ce sont vos enfants???": non je les ai volés à quelqu'un d'autre, et maintenant ils m'appellent maman :-)
Et bien sûr on n'oublie jamais de dire à mon mari à quel point c'est un homme dévoué et si formidable de partager sa vie (si compliquée) avec une femme comme moi ;-)
Ah la la ! Le pire, c'est que je suis souvent prise au dépourvu par ces questions intrusives, malhonnêtes et souvent embarrassantes et que je ne sais jamais bien comment m'y prendre pour répondre..... je fais toujours attention à ne pas répondre trop méchamment! et vous?

Chère Nevea

Ton humour me fait sourire en lisant la publication. Mais à bien regarder il y a peu à rigoler. Les gens peuvent être malpolis, rudes. Ils parlent parfois sans réfléchir à l’effet que leurs mots pourraient avoir sur leur interlocuteur. Tu dis de toujours faire attention à ne pas répondre trop méchamment. Mais est-ce qu’ils voient, eux, qu’ils ont été embarrassant ou intrusifs ? Est-ce qu’il ne pourrait pas peut-être parfois aider de répondre méchamment, pour que les gens apprennent qu’il y a des limites (également à la gentillesse et à la patience de l’interlocuteur en fauteuil roulant) ?

Salutations, Claudia

C'est vrai, peut-être que la méthode "dure" est assez efficace pour une remise en question! Mais parfois ça ne suffit pas non plus. Souvent, la méchanceté comme arme contre la méchanceté me fait culpabiliser: j'ai un exemple vécu très récemment.
Il y a quelque chose comme 2-3 mois j'étais chez le coiffeur. Un coiffeur à Yverdon, à 20 minutes de voiture de mon village. Je ne vais pas souvent à Yverdon je dois dire. J'étais ravie d'y aller, l'air était doux, il faisait un temps radieux.
Je suis sortie du coiffeur très contente de ma nouvelle coupe et couleur, j'étais bien, heureuse, et je me promenais dans la ville dans le but de retrouver mon mari pour aller manger à midi en amoureux dans une super pizzeria.
Une personne arrive derrière moi et me tape l'épaule. "Madame, que Dieu vous bénisse et vous guérisse pour votre état".
Là, je dois dire que j'ai été très énervée. Comment osait-elle venir avec un faux air sympathique me proposer de me sauver du mal qui soit-disant m'habitait? Que pouvait-elle bien savoir de qui j'étais et de comment je me sentais? Depuis combien de minutes préparait-elle son coup prémédité? Qu'avait-elle pensé tout ce temps? Quel a été le déclencheur pour qu'elle ose venir m'aborder? Parce que j'étais une femme, jeune, que j'avais l'air sympathique? Aucune idée.
Elle est venue me taper l'épaule.
Ce qui m'a profondément énervée c'est le fait qu'elle me "casse" ce moment de bien-être que je ressentais. Je me promenais, si heureuse et bien dans ma peau et voilà qu'une personne "avec des paroles gentilles (là est bien le paradoxe par ailleurs!)" me ramène à l'image du petit oiseau blessé que ma chaise roulante lui a bêtement envoyé... Elle me ramène à cet état de fait que je suis paraplégique et que je me déplace en chaise, elle me ramène à cet événement tragique de ma vie. Et encore une énième fois, je suis étiquetée à être juste cette personne en chaise. Rien d'autre.
Dieu sait que ma chaise, moi, je l'oublie. Elle est là, elle est utile, elle fait partie de ma vie. Et voilà. Et alors?
Je lui ai dit, énervée :
"Je n'ai pas besoin d'être sauvée Madame, vous vous êtes basée sur une apparence physique et sur des à prioris qui sont tout-à-fait erronés!"
Ce à quoi, insistante, elle me dit encore "mais vous avez eu quoi?"
"Vous continuez en plus??? Passez votre chemin, et réfléchissez autrement!!" (Je me sentie très fière de cette réponse!)
Avec un ton toujours aussi doucereux et désagréable elle rajoute encore "Dieu vous bénisse quand-même et apaise votre colère!"

Un exemple qui parle de lui-même et qui explique que lorsque quelqu'un nous aborde de manière "gentille" dans la forme, dans le fond, l'intention est "mauvaise", ou en tous cas déplacée...
Mais:
Répondre gentiment à ces personnes est aussi une façon parfois d'être empathique vis-à-vis d'eux qui ont un comportement inapproprié mais qui n'ont pas les clés pour le comprendre et se remettre en question. Accepter qu'ils ne peuvent pas comprendre d'une certaine façon.
Etre agressive me fait parfois culpabiliser... Parfois non. Tout dépend toujours de l'instant, de la situation, de la personne, de la discussion.
Ce qui est certain, c'est que c'est une histoire sans fin et que ce manque perpetuel d'anonymat me pèsera toujours!

:heart:
Nevea