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Loi taïwanaise sur l’autonomie des patients

La première loi sur la « mort naturelle » en Asie

La mort est un sujet controversé depuis longtemps. Il n’est pas facile pour tout le monde d’en parler. Dans les communautés sinophones, le chiffre « 4 » est considéré comme un chiffre portant malheur, car sa prononciation ressemble à celle du mot « mort ». Certains appartements et bâtiments font même l’impasse sur ce numéro de chambre et d’étage.

Cependant, à Taïwan, il existe une femme qui perçoit la mort différemment. Son nom est Rose Yang, et elle est la principale force motrice derrière la loi taïwanaise sur le droit à l’autonomie des patients. La loi, la première de son genre en Asie, a été adoptée en 2016. En janvier 2019, elle est finalement entrée en vigueur, donnant ainsi aux patients atteints de maladies terminales ou incurables le droit de refuser les traitements prolongeant la vie.

Perdre ses muscles mais pas sa raison de vivre

Rose Yang - Taiwan activist on patient right on autonomy act

Yang, utilisatrice de fauteuil roulant depuis l’âge de 19 ans. (Source : Chris Stowers pour le South China Morning Post)

À l’âge de 19 ans, Yang a reçu le diagnostic de dystrophie musculaire distale. Il s’agit d’une maladie rare causée par la mutation des tissus musculaires, qui commence la plupart du temps dans les avant-bras et les jambes puis affecte progressivement les autres parties du corps. Du fait de cette maladie, Yang est devenue paralysée en l’espace de quelques mois et s’est vue contrainte de passer le reste de sa vie dans un fauteuil roulant.

La première chose à laquelle Yang a pensé après son diagnostic, au lieu d'éprouver de la peur et de la frustration, a été la façon dont elle allait pouvoir vivre de façon indépendante et continuer à soutenir ses parents dans leurs vieilles années. Ces 25 dernières années, elle a fait de son mieux pour vivre sa vie pleinement. De plus, elle travaille avec des organisations non gouvernementales afin d’aider à transformer la vie d’autres patients défavorisés.

Campagne sur le caractère précieux de la vie

En raison de sa situation et de son travail, Yang a eu de nombreuses conversations avec des patients malades en phase terminale ainsi que les membres de leurs familles. Elle pense qu'un grand nombre d’entre eux sont au désespoir en raison de leur souffrance à la fois physique et émotionnelle, et presque la totalité d’entre eux ont abordé le thème du suicide pendant les conversations. Cela l’a poussée à faire campagne pour la loi sur l’autonomie des patients, que certains appellent également « loi sur le droit de mourir », à Taïwan.

Toutefois, dans une culture où l'on a tendance à éviter le thème de la mort, la campagne est devenue une mission des plus difficiles pour Yang. De plus, nombreux sont ceux qui ont mal compris le motif d'une telle loi, pensant qu’elle viserait à cautionner le suicide. À ce sujet, Yang croit plutôt le contraire : la conscience du droit de mourir naturellement apaisera les esprits des malades en phase terminale, qui pourront alors déplacer leur attention sur le moment présent chaque jour.

Dans la vidéo suivante du South China Morning Post, Yang partage davantage d’idées au sujet de l’autonomie des patients ainsi que ses opinions sur la vie et la mort.

« La meilleure préparation à la mort est de vivre l’instant à chaque moment. C’est seulement de cette façon que vous pouvez dire que vous n’avez pas de regrets quand la mort arrive. »

Directives anticipées et droits des patients à travers le monde

À l’échelle internationale, les options telles que la loi taïwanaise sur le droit à l’autonomie des patients sont connues sous le nom de « directives anticipées ». En règle générale, il existe deux formes de directives anticipées : d’une part, un document permet de spécifier ses préférences en termes de traitement médical et il est aussi appelé « testament de vie ». D’autre part, un document distinct permet aux personnes de désigner un représentant prenant les décisions de santé en leur nom lorsqu’elles ne seront plus capables de prendre des décisions pour elles-mêmes en raison de leur maladie ou de leur incapacité.

La façon dont une directive anticipée peut être réalisée et mise en œuvre varie selon les pays. Par exemple, une directive anticipée est un document juridique aux États-Unis qui s’applique seulement si la personne est incapacitée et n’est pas en mesure de parler pour elle-même en raison d'une maladie ou d'une grave blessure. Cependant, dans certains pays, la directive anticipée n’est pas contraignante sur le plan juridique, mais seulement pertinente. Cela signifie que la directive ne doit pas nécessairement être suivie, mais qu’elle sera prise en considération par la cour avant de prendre toute décision médicale.

Patient's Right: Advance Healthcare Directive

En Suisse, les directives anticipées sont légalement contraignantes depuis 2013. Elles se présentent sous la forme d’un document écrit, qui s’applique lorsque son auteur est incapable de prendre des décisions médicales ou de donner son consentement pour ces dernières. Les préférences relatives à de potentiels futurs traitements médicaux et/ou le représentant désigné pour prendre les décisions médicales au nom du patient doivent être consignés par écrit dans le même document.

Selon l’Office fédéral de la santé publique OFSP, toute personne capable de discernement peut rédiger une directive anticipée, et ce indépendamment de son âge ou de son état de santé. Les Hôpitaux Universitaires de Genève ont également émis une brochure sur les directives anticipées en Suisse. Elle souligne que la directive anticipée n’est utilisée que lorsqu’une personne n’est pas capable d’exprimer ses volontés concernant les traitements médicaux. Toutefois, elle ne peut pas être utilisée pour demander une aide au suicide ou une euthanasie.

Une campagne pour l’autonomie et la dignité des patients en cours

Retournons à Taïwan, où il y a toujours beaucoup à faire concernant la loi sur le droit à l’autonomie des patients. De nombreux personnes ne sont toujours pas au courant de l’existence de cette loi ou n’ont aucune idée de la façon dont ils, ou bien leurs familles, peuvent en profiter. D'une part, la loi peut permettre de réduire le fardeau physique et émotionnel prolongé inutilement des personnes touchées. D’autre part, elle peut permettre de réduire les coûts financiers induits par les procédures prolongeant la vie, que les patients n’auraient sinon pas souhaitées.

L'impact de la loi sur le secteur médical doit également être abordé car, comme Yang le dit dans un article du South China Morning Post :

« Parce que les médecins sont entraînés pour sauver des vies et non pas pour y mettre fin, nous avons encore un grand travail à faire en vue de convaincre le secteur médical. »

Bien que Yang ait déclaré qu’il serait agréable de vivre sans sa maladie, elle est reconnaissante d’avoir accompli autant et d’être devenue la personne qu’elle est aujourd’hui de son fait. Lorsque le temps sera venu, elle voudrait choisir d’accepter une mort naturelle plutôt qu’un traitement médical interférant avec cette dernière ou prolongeant la vie. D’ici là, elle souhaite continuer à répandre l’amour et la positivité dans toutes les pensées et les actions, particulièrement chez ceux qui sont pauvres et malades, et souvent oubliés par la société.

Que pensez-vous de Rose Yang et de son opinion de la vie et la mort ? Connaissez-vous vos droits en termes de directives anticipées ?

[traduction de la publication originale en anglais]

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