La première session des personnes handicapées au Parlement suisse appartient au passé. Que reste-t-il de cette journée ? Qu’attendent les personnes touchées ? Nous avons posé la question
- 6 Minutes de lecture
- 24 avril 2023
- Christine Zwygart
La première session des personnes handicapées au Parlement suisse appartient au passé. Que reste-t-il de cette journée ? Qu’attendent les personnes touchées ? Nous avons posé la question
Le 24 mars 2023, 44 femmes et hommes se sont réunis au sein du Palais fédéral pour la première session des personnes handicapées de Suisse. Ces 44 sièges sur 200 correspondent à la proportion actuelle de personnes vivant avec un handicap en Suisse, soit 22 %. Ces personnes ont débattu sous la direction du conseiller national Christian Lohr, ont exprimé leurs opinions puis ont voté une résolution à l’attention du président du Conseil national Martin Candinas et de la présidente du Conseil des États Brigitte Häberli-Koller.
Les personnes touchées appellent les politiques, les autorités et la société à faire preuve de plus d’inclusivité en politique : pas de retrait du droit de vote et d’éligibilité en raison d’un handicap, plus d’assimilation et de participation à la vie politique, et une représentation adaptée à tous les niveaux politiques – jusqu’au Conseil fédéral.
Mais que reste-t-il de cet après-midi au Palais fédéral ? Comment continuer d’exploiter les nouveaux et précieux contacts noués ? Et les participants se sont-ils sentis pris au sérieux ? Nous avons posé la question à quatre hommes et femmes en fauteuil roulant sélectionnés pour participer, dont nous avions déjà dressé le portrait avant la session.
« La profondeur et l’authenticité étaient impressionnantes »
Anne Hägler (née en 1968) considère comme très positif que les personnes aient pu être largement sensibilisées et que les problèmes quotidiens des personnes handicapées aient été présentés. « Cette journée a, à elle seule déjà, permis à de nombreuses personnes de prendre conscience que la situation n’est pas adaptée pour nous. » Elle a également été impressionnée par les discours libres tenus par certains participants dans la salle du Conseil national – « cette profondeur et cette authenticité étaient impressionnantes ».
La Winterthouroise est tétraplégique suite à sa sclérose en plaques et a besoin d’un fauteuil roulant. La session a réuni des hommes et des femmes aux différents handicaps, confrontés à des défis très variés. Mais une chose les unit : « Nous sommes des personnes qui souhaitent mener une vie normale, et il ne manque pas grand-chose pour y parvenir », explique Anne Hägler, convaincue. Elle souhaite profiter de cet élan, rester visible et active, avec un objectif clair : « une seconde session est indispensable. »
« Je pense que ce fut un coup d’éclat qui a réveillé de nombreuses personnes. »
Anne Hägler
« Nous sommes venus pour rester »
Peter « Pesche » Buri (né en 1988) est époustouflé par cette journée, la rencontre avec des leaders politiques, « l’excellent travail » avant et pendant la session, l’atmosphère et la cohabitation. « C’était agréable de faire partie de quelque chose de bien plus grand que soi – ça donne envie de plus. » Il espère que le temps où chaque forme de handicap prêche pour sa propre paroisse est désormais révolu.
Le Bernois souffre d’une myopathie de Duchenne de type 2, une maladie neuromusculaire dégénérative. Il attend de voir quels sont les résultats obtenus par lui et le parlement des personnes handicapées. Selon lui, ce serait une bonne chose que les personnes handicapées occupent plus de mandats politiques : « nous sommes venus pour rester. » Il pense que lors des élections de 2023, le nombre de 44 personnes handicapées au sein du Conseil national ne sera pas atteint, mais peut être qu’une poignée y parviendront – « on verra à ce moment-là ».
« Je me suis senti pris au sérieux et écouté, tout comme de nombreux autres participants. »
Pesche Buri
La politique a un devoir – tout comme les personnes handicapées
Vanessa Grand (née en 1978) se sent très honorée d’avoir été élue par le peuple pour défendre ses intérêts à Berne. Pour elle, il a été particulièrement impressionnant de pouvoir brandir le bulletin de vote à une place de la salle du Conseil national, de mener des discussions, « mais aussi de rencontrer des membres du Conseil national et du Conseil des États qui nous ont rendu visite ». Elle ajoute que la session était identique à une session habituelle, ce qui a été très valorisant pour elle.
La Valaisanne vit avec la maladie des os de verre et aime tisser des liens avec les gens, qu’ils aient un handicap ou non. Car les points de contact sont vastes : « ce sont les convergences ET les différences qui les constituent. » Vanessa Grand est elle aussi convaincue que la session aura des répercussions durables. Il faut d’une part que chacun d’entre eux continue de travailler d’arrache-pied, et d’autre part que la politique mette en application la résolution adoptée. « Une autre session est indispensable – ce n’est jamais fini. »
« Je suis convaincue que cette session est durable. Mais il nous appartient également, à nous, de poursuivre notre fonction. »
Vanessa Grand
Renforcer la conscience de la situation des personnes handicapées
Martin Jaussi (né en 1966) a apprécié rencontrer différents personnages politiques au Parlement, en particulier de son canton de Zoug. Lors de cette journée, il a occupé la place de Thomas Aeschi dans la salle. « Ce sont des gens comme lui qu’il faut rallier à notre cause », explique-t-il. Il ajoute que les échanges en personne sont plus pratiques pour souligner des problèmes et raconter des expériences du quotidien. « Cela renforce la conscience de notre situation, au cas où la prochaine budgétisation prévoie de nouvelles coupes... ».
C’est jeune que Martin Jaussi s’est vu diagnostiquer une sclérose en plaques, ce qui lui impose d’utiliser un fauteuil roulant. Il est très actif dans le canton de Zoug. Il trouve génial de pouvoir désormais défendre ses intérêts au niveau fédéral : « cela nous donne une plateforme encore plus grande. » Comme tous les participants à cette session des personnes handicapées, le Zougois en est convaincu : une fois n’est pas coutume. Une prochaine rencontre serait donc déjà prévue pour la mi-mai.
« Nous nous sommes écoutés et laissé parler. C’était magnifique. »
Martin Jaussi
Qu’a apporté la session des personnes handicapées ? Comment doit se poursuivre le processus politique en Suisse ?