Dans la quatrième partie de notre série de blog sur la science, nous nous intéressons à l’implémentation des résultats de recherche dans la pratique clinique : comment ce processus fonctionne-t-il, et pourquoi est-ce souvent si long ?
- 6 minutes de lecture
- 20 février 2023
- claudia.zanini
Dans la quatrième partie de notre série de blog sur la science, nous nous intéressons à l’implémentation des résultats de recherche dans la pratique clinique : comment ce processus fonctionne-t-il, et pourquoi est-ce souvent si long ?
Lorsque des nouveautés émanent de la recherche, elles doivent surmonter des défis avant de pouvoir être appliquées dans la pratique clinique.
La science est toujours plus présente dans nos vies. Nous sommes confrontés aux résultats d’études scientifiques dans les journaux, à la télévision et dans les médias en ligne. Les titres sont souvent frappants, annonçant des percées, comme : (tous les liens en anglais)
- « Une nouvelle technique d'injection pourrait stimuler les efforts de réparation des lésions de la moelle épinière »
- « La découverte de ‹pores cellulaires › donne de l'espoir à des millions de patients souffrant de lésions cérébrales et de la moelle épinière »
- « Des scientifiques régénèrent des neurones chez des souris souffrant de lésions de la moelle épinière et du nerf optique »
- « Les avantages des cellules souches pour le traitement des lésions de la moelle épinière sont évalués»
C’est en particulier lorsque l’on souffre d’un problème de santé sévère que l’on espère que ces découvertes seront rapidement transposées dans la pratique clinique de sorte à pouvoir en bénéficier au plus vite.
Toutefois, bon nombre de ces études se trouvent encore à un stade précoce. Comme mentionné dans la première partie de cette série de blog, même lorsque la recherche est prometteuse, le chemin est encore long entre la recherche expérimentale chez les souris et les essais chez l’homme. Et lorsqu’un traitement a montré des résultats prometteurs dans les essais cliniques, le chemin est encore long avant une implémentation dans la pratique clinique.
Dans ce post de blog, nous expliquons le cheminement entre résultats scientifiques et pratique clinique. Avoir conscience des étapes et obstacles peut nous aider à mieux comprendre la complexité de l’implémentation. Mais c’est également utile pour comprendre le travail fait par les cliniciens pour s’assurer que nous tirions des bénéfices des meilleures preuves scientifiques tout en respectant nos besoins et préférences.
Comment la recherche trouve sa place dans les directives cliniques
Les découvertes issues de la recherche ont souvent un long chemin à parcourir avant d’intégrer la pratique clinique. Cela peut prendre des années. En réalité, comme mentionné dans la seconde partie de cette série, il est rare qu’un seul essai soit intégré dans la pratique clinique. Les résultats d’une étude doivent être répliqués dans d’autres études, et les résultats de toutes ces études doivent être regroupés, analysés et synthétisés avant que des recommandations puissent être formulées pour la pratique clinique.
Ces recommandations prennent souvent la forme de directives cliniques, qui sont des documents qui décrivent comment traiter des patients. Elles sont basées sur les meilleures preuves disponibles ainsi que sur des processus consensuels systématiques et transparents, impliquant une vaste palette de professionnels de santé et chercheurs expérimentés (voir Conseil de l’Europe, 2002). Ces documents sont souvent initiés par des institutions publiques ou gouvernementales et produits par des sociétés scientifiques internationales (par ex. Spinal Cord Society) ou des institutions nationales ou locales (par ex. Centre suisse des paraplégiques).
Barrières à l’implémentation des directives dans la pratique clinique
L’implémentation de directives nationales et internationales dans la pratique clinique quotidienne varie grandement d’un pays à l’autre. Différents facteurs non scientifiques influencent leur utilisation, comme la politique gouvernementale, la rentabilité, et la prise en charge par l’assurance santé.
Mais les problèmes d’ordre politique et économique ne sont pas les seuls obstacles : la formation et le temps en sont d’autres. En effet, cliniciens et praticiens ont besoin de connaître les nouvelles directives et d’apprendre quels sont les traitements recommandés. En réalité, malgré le grand nombre d’études menées quotidiennement dans le domaine des soins hospitaliers et de premier recours, les soins des patients ne sont pas seulement basés sur les preuves scientifiques ; au contraire, l’expérience clinique et les évolutions historiques jouent un rôle clé.
En outre, les directives de pratique clinique de différents pays sont parfois en contradiction. Dans ce cas, les cliniciens doivent pouvoir prendre des décisions éclairées quant au traitement le plus approprié (voir Oxman et al, 2008).
Les directives ne prennent pas en compte la situation individuelle du patient
Finalement, les directives ont souvent un champ très étroit ; en revanche, leur implémentation demande aux praticiens de prendre en compte la situation spécifique du patient. Il existe par exemple plusieurs directives pour la prévention des blessures par pression chez les patients présentant une lésion médullaire – mais comment les comportements recommandés peuvent-ils être intégrés à la vie de la personne en prenant en compte les autres problèmes de santé et les exigences d’autogestion ? Des directives recommanderont peut-être de faire des pompes régulièrement, mais qu’en est-il si la personne a des douleurs à l’épaule ? Des directives prescriront peut-être une intervention chirurgicale suivie de trois mois de rééducation à l’hôpital, mais qu’en est-il si le patient souhaite éviter les procédures invasives afin de préserver sa vie de famille ?
Comme nous l’avons vu, transposer la recherche dans la pratique clinique n’est pas un processus linéaire. De nombreux facteurs jouent un rôle pour décider si et comment les utiliser au bénéfice du patient. Chaque patient est unique : deux cas peuvent avoir une présentation clinique similaire mais des besoins et préférences différents. Les cliniciens doivent en tenir compte lorsqu’ils proposent une procédure médicale ; aucun processus « automatisé » ne pourra définir ce qui est le meilleur pour chaque patient. Pour cette raison, l’interaction entre cliniciens et patients est centrale pour toute décision médicale.
Réferences :
- European Science Foundation (2011). Forward Look: Implementation of Medical Research in Clinical Practice. Lien (pp. 30-31, “Major issues”)
- European Science Foundation (2012). Implementation of Medical Research in Clinical Practice. Science Policy Briefing No. 45. Lien
- Council of Europe 2002. Developing a Methodology for Drawing up Guidelines on Best Medical Practices. Recommendation (2001)13 and explanatory memorandum. Lien (version allemande)
- Oxman A et al. What should clinicians do when faced with conflicting recommendations? BMJ 2008;337:a2530. Lien